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EMCDDA : Fliquer les égoûts

Je vous parlais hier d’intelligence collective ou de collecte d’informations sur de larges groupes de personnes afin de mener de nouvelles analyses comportementales.

L’actualité européenne m’offre un bel exemple de mise en pratique : l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) présentait aujourd’hui un rapport sur les technique d’analyse des eaux d’égouts pour quantifier et géolocaliser la consommation de drogues.

Un long document en anglais parlant de produits décelables, de métabolisme, d’éthique et de technique de recoupement des données.

C’est un travail multidisciplinaire de grande envergure qui est suggéré pour que si ce projet devient réalité il soit un travail scientifique crédible.

Le chapitre 5 sur l’échantillonnage géoréférencé des eaux usées et statistiques spatiales appliquées permet d’avoirr une idée de l’aspect méthodique du plan envisagé et de la portée des recoupements de données envisagés (données socio-démo, revenus, etc…)

Voici le résumé en français qui est fourni sur le site de l’EMCDDA

L’utilisation de cartes par les scientifiques du domaine de la santé, en tant qu’outil précieux pour la compréhension des interrelations complexes existant entre les êtres humains, les maladies et l’environnement, est analysée par Fátima Pina.

Des cartes peuvent être utilisées en complément d’autres informations et outils d’analyse statistique spatiale, d’épidémiologie et de santé publique, afin d’améliorer notre compréhension de la survenue et de la localisation d’événements sanitaires.

Les systèmes d’informations géographiques offrent des options d’analyse spatiale en permettant de superposer différentes cartes pour déterminer des relations topologiques de connectivité, de proximité et de contiguïté.

Cela revêt une importance particulière pour l’épidémiologie des eaux d’égout.

Si les médecins sont intéressés on peut supputer que la maréchaussée le sera également. Un chapitre éthique aborde les questions soulevées par cette approche, jusqu’où les capteurs peuvent-ils être installés ? Où s’arrête notre vie privée quand ils s’agit de déjections ?

Si vous deviez développer une parano aigüe suite à cette info, il vous reste le truc imparable popularisé par les Nuls.

Little Brother, le Big Brother social

Banksy - What are you looking at ?

Ce lundi Pascal Claude (RTBF – Matin Première) m’a interviewé en compagnie de François suite aux mésaventures de Pieter De Crem avec la blogosphère. Pieter De Crem était l’invité de Matin Première ce mercredi 3 décembre.

Sans doute parce que l’AFP a cité une de mes opinions pour étayer une dépêche.

Dans nos échanges je revenais sur ce que j’appelle le Big Brother social. Un concept que j’esquissais pour le Télémoustique dans une liste des choses qu’Internet a changées dans nos vies.

Rappel :

Rémanence et intimité, l’émergence du Big brother social

Le droit à l’oubli est en train de disparaître. Une connerie rendue publique est éternelle. La numérisation et la publication des archives anciennes remettent en lumière des histoires oubliées, des problématiques parfois résolues mais surtout méconnues, qu’une nouvelle actualité vient soudain remettre sur le devant de la scène.

La vie privée des célébrités est la cible du premier APN venu, celle du commun suit le même sort dès qu’il y a moyen de rire de ses malheurs ou infortunes. Tout possesseur d’un GSM est un paparazzi potentiel.

Les anglo-saxons parlent de « Little Brother », de surveillance par les pairs plutôt que par une force étatique.

Si c’est partiellement la méconnaissance de cette tendance lourde qui a permis le déclenchement de l’affaire du voyage à New York, certains articles récents et expériences en cours laissent à penser que nous n’en sommes qu’au début d’une ère où l’espace publique sera un espace de totale transparence, certains y voient un enfer pour la vie privée.

Je vous propose de passer en revue quelques phénomènes qui soutiennent cette tendance.

La mort du off et la sousveillance

Little Brother is watching you Même en Belgique le off est mort. Bart De Wever en a fait publiquement l’expérience sur les ondes de la RTBF. L’équipe De Crem aussi en s’épanchant auprès d’une barmaid. La confidence c’est un scoop en devenir. L’oublier c’est s’exposer.

La multiplication des techniques d’enregistrements ou de broadcasting (Qik, Ustream) permettent la généralisation de la sousveillance. Le compte-rendu vidéo par les participants à un évènement.

La police française a récemment fait les frais de la sousveillance, une bavure filmée, la réaction envisagée par la force publique, enregistrer également des images de ses interventions pour contrer les images des citoyens. Surveillance contre sousveillance. de beaux jours pour les tribunaux.

La présence virtuelle et le contrôle panoptique

La présence en ligne grâce aux messageries instantanées, googler les gens, les réseaux sociaux sont autant d’éléments qui permettent à tout un chacun de suivre les activités d’un individu. D’autant qu’avec l’apparition d’agrégateurs de réseaux sociaux tels les
Power.com, Spokeo, Socialstream et autres moteurs de recherche de personnes comme 123people l’accès aux infos personnelles, à la présence en ligne au réseau d’amis est toujours plus aisé.

Un univers digital panoptique se met doucement en place et se renforce à mesure que les réseaux sociaux consolident leurs liens avec des applications sociales populaires. Twitter & Facebook ou MySpace; Flickr et les mêmes…

Communiquer c’est être visible et identifiable et certaines des informations diffusées le sont parfois au-delà de ce que les émetteurs imaginent possible. Voir à ce sujet la géolocalisation de Twitter.

L’espace publique transparent et l’intelligence collective

On se souvient du futur de la vidéo-surveillance décrit par David Brin dans son article The Transparent Society publié dans Wired en 1996. On consultera aussi un article du NYT qui relate une expérience du M.I.T. sur l’analyse par des senseurs ou des traces digitales (GSM, GPS, RFID,…) des comportements d’un groupe d’étudiants qui partagent le même « dortoir ».

Ce genre d’analyses tendent à peaufiner et modéliser des comportements standards et construire des modèles prédictifs pour les commerçants, les assureurs et le business à moindre coût. Au final à faire entrer les humains dans des cases en donnant une seconde vie au data mining de papa et en le couplant à de l’analyse de donnée plus pointue.

On appelle ceci de l’autre côté de l’Atlantique l’intelligence collective. Bien évidemment les applications sont infinies, prometteuse, inquiétantes et ne semblent pas alarmer outre mesure l’opinion. A quand l’établissement de schémas sociaux « conformes », l’analyse de schémas déviants sur base d’un localisation d’un GSM ou d’autres émetteurs ? La prédiction des comportements sur base de l’analyse collective ?

En conclusion

Le train est en route, le débat autour des réseaux sociaux se centre sur l’agrégation ou la fédération, on ne va pas interdire les APN en rue comme on le fait lors des premières de cinéma et le contrôle social de l’autorité reste majoritairement conçu comme un garde-fou utile.

Avons-nous raison de ne pas nous alarmer ? Etait-ce là le danger que Pieter de Crem percevait du non-event qu’il a vécu ?

Je suis curieux de connaître votre opinion.

Merci à Damien pour son aide dans la collecte de certains liens.

Pieter De Crem & les blogs



Pieter De Crem, première mise en ligne par Bart Claeys.

Pieter De crem est un homme politique flamand, Ministre de la Défense, dont les déboires récents avec les blogueurs et particulièrement sa sortie au parlement sur le danger du phénomène des blogs; démontrent à quel point la génération politique actuelle ne prend pas la pleine mesure du monde et de la complexité à laquelle elle est confrontée.

Bien sûr que toute apparition publique est potentiellement relayée.
Bien sûr que les médias s’informent sur le web, bien sûr que le travail parlementaire peut-être alimenté par ce qui s’écrit en ligne.

Mais delà à envisager l’expression du citoyen via les blogs comme un danger ! Ce « non évènement » renvoie l’image d’une classe politique dont la présence en ligne est déficitaire, qui ne conçoit pas le bouche à oreille comme le plus rapide véhicule de l’information et qui s’étonne que ses errements (aller à New York parce qu’il ne se passe rien à Bruxelles) soient colportés et donc discutés.

C’est à se demander si à New York entre deux verres l’équipe De Crem a entendu parler de l’équipe Obama ??? De sa gestion des rumeurs, de sa veille, de ses actions ? Obama mais si vous voyez le type dont les manières font débat à Charleroi !

En tout cas De Crem s’est depuis ce jeudi fait une belle tripotée d’opposants dans la blogosphère belge, qui réplique à sa manière…